La perte de mémoire à court terme chez la personne âgée : un accompagnement possible par la sophrologie

La perte de mémoire à court terme chez la personne âgée : un accompagnement possible par la sophrologie

Introduction

Le vieillissement s’accompagne de modifications cognitives naturelles, parmi lesquelles la perte de mémoire à court terme occupe une place centrale. Cette mémoire, aussi appelée mémoire de travail, permet de retenir des informations immédiates, indispensables à la gestion du quotidien. Sa fragilisation entraîne des oublis répétés : un mot, un rendez-vous, un objet déplacé.

Or, si certains vivent cette expérience avec frustration et anxiété, d’autres personnes âgées accueillent ces oublis avec une forme d’insouciance, parfois teintée d’humour. Dans ce contexte, il apparaît pertinent de réfléchir aux accompagnements non médicamenteux, tels que la sophrologie, qui privilégient la qualité de vie et l’ancrage dans le présent plutôt qu’une correction cognitive illusoire.


1. La mémoire à court terme et le vieillissement

La mémoire à court terme correspond à la capacité de maintenir et manipuler temporairement une information. Elle est particulièrement sensible au vieillissement et constitue un indicateur précoce des fragilités cognitives.
Selon Baddeley (2000), la mémoire de travail repose sur plusieurs systèmes (boucle phonologique, calepin visuo-spatial, administrateur central). Avec l’âge, c’est surtout l’administrateur central — chargé de coordonner et de gérer l’attention — qui s’affaiblit.

Ces troubles impactent le quotidien (répétition des questions, perte d’objets, difficulté à suivre une conversation). Toutefois, la mémoire autobiographique et émotionnelle reste souvent mieux préservée, ce qui ouvre la voie à des approches basées sur le ressenti et l’expérience vécue.


2. Le rôle des émotions et du vécu immédiat

Les recherches en gérontologie montrent que les émotions positives peuvent compenser partiellement les fragilités cognitives. Carstensen et al. (2011) mettent en avant la « théorie de la sélectivité socio-émotionnelle » : avec l’âge, l’individu tend à privilégier les expériences affectives gratifiantes.

Ainsi, même si la trace mnésique s’efface rapidement, l’émotion vécue persiste plus longtemps. Le rire suscité par un oubli, le plaisir d’un moment partagé ou la détente après une relaxation restent inscrits dans la mémoire affective, et contribuent au bien-être global.


3. La sophrologie : une approche centrée sur le présent

Créée dans les années 1960 par Alfonso Caycedo, la sophrologie est une méthode psychocorporelle qui combine respiration, détente musculaire et visualisation positive. Elle est utilisée dans le champ médical, psychologique et social comme outil de soutien à la qualité de vie.

Chez les personnes âgées présentant une perte de mémoire à court terme, la sophrologie trouve un terrain particulièrement favorable :

  • Renforcer l’ancrage dans l’instant présent : la respiration consciente et les exercices corporels simples ramènent l’attention sur ce qui est vécu ici et maintenant.
  • Stimuler la mémoire émotionnelle : les visualisations agréables (souvenirs heureux, lieux familiers) entretiennent des repères affectifs solides.
  • Valoriser le vécu immédiat : chaque séance est une expérience complète en elle-même, indépendamment de sa mémorisation ultérieure.
  • Encourager le rire et la légèreté : des exercices ludiques (sons, mouvements amples, images positives) favorisent une relation joyeuse à soi et à l’autre.

4. Questionnements éthiques et pratiques

L’accompagnement sophrologique face à la perte de mémoire pose plusieurs questions :

  • Doit-on viser la stimulation cognitive ou le bien-être affectif ?
    La sophrologie ne prétend pas restaurer la mémoire, mais elle offre un cadre de mieux-être. Cela suppose d’accepter que l’objectif ne soit pas la « récupération » mais la qualité du vécu.
  • Quel rôle pour l’entourage et les aidants ?
    Les proches peuvent bénéficier de la sophrologie pour transformer leur regard sur les oublis et privilégier les instants de partage plutôt que la correction permanente.
  • Comment évaluer l’impact ?
    Les critères d’évaluation doivent porter sur le niveau de détente, le climat émotionnel et la qualité relationnelle, plutôt que sur des performances cognitives strictes.

Conclusion

La perte de mémoire à court terme, fréquente chez la personne âgée, interroge notre manière d’accompagner le vieillissement. La sophrologie apparaît comme une ressource adaptée non pas pour « corriger » la mémoire, mais pour soutenir l’ancrage dans le présent, nourrir la mémoire émotionnelle et valoriser les instants de rire et de détente.
Plutôt que de considérer l’oubli comme un déficit, elle propose de le dépasser par une autre forme de présence au monde : vivre pleinement ce qui se présente, même si cela ne se retient pas.


Bibliographie indicative

  • Baddeley, A. (2000). The episodic buffer: a new component of working memory? Trends in Cognitive Sciences, 4(11), 417–423.
  • Carstensen, L. L., Isaacowitz, D. M., & Charles, S. T. (2011). Taking time seriously: A theory of socioemotional selectivity. American Psychologist, 54(3), 165–181.
  • Caycedo, A. (1993). La sophrologie : une nouvelle conscience. Paris : Retz.
  • Piolino, P. (2010). La mémoire de l’homme : modèles et pathologies. Paris : PUF.
  • Thomas-Anterion, C. (2018). Vieillissement cognitif et mémoire. Paris : Dunod.
  • Virel, M. (2005). La sophrologie au quotidien. Paris : Albin Michel.